La logistique, longtemps cantonnée à une logique de performance et de rentabilité, entre dans une ère de profonde mutation. Face à l’urgence climatique, à l’évolution des attentes citoyennes et à des réglementations toujours plus exigeantes, le secteur se voit contraint de réinventer ses pratiques pour conjuguer efficacité économique et responsabilité environnementale.
Des Zones à Faibles Émissions aux nouvelles sources d’énergie, en passant par la digitalisation des flux et l’écoconception des opérations, les leviers sont multiples pour bâtir une logistique plus durable. Cette transformation, en marche dans de nombreux territoires, dépasse les simples ajustements techniques : elle engage une refonte complète des modèles logistiques et mobilise l’ensemble des acteurs, du transporteur local aux géants de la distribution. Dans cette dynamique, chaque innovation, chaque choix énergétique, chaque geste de formation participe à poser les fondations d’une chaîne logistique plus verte, plus agile et mieux adaptée aux défis de demain.
Réinventer la logistique pour un monde plus durable
Une pression croissante sur les transports et la logistique
Le secteur logistique est à la croisée des chemins. Face aux enjeux environnementaux de plus en plus pressants, les modes traditionnels de transport doivent évoluer rapidement. Les réglementations environnementales ne cessent de se renforcer, tant au niveau européen que national et local. Parmi les dispositifs les plus emblématiques, les Zones à Faibles Émissions et impact sur la logistique urbaine transforment les conditions d’accès des véhicules thermiques aux centres urbains. Ces restrictions imposent aux transporteurs une remise en cause de leurs flottes et de leurs itinéraires.
À cela s’ajoutent les transformations induites par la crise sanitaire. La pandémie a bouleversé les standards logistiques : gestes barrières permanents, reconfiguration des chaînes d’approvisionnement, et flexibilité accrue pour faire face à l’incertitude. Les flux classiques ont été perturbés, renforçant le besoin de résilience et d’agilité dans les processus logistiques.
Des attentes citoyennes plus fortes vis-à-vis des entreprises
L’opinion publique exerce désormais une influence considérable sur les orientations stratégiques des entreprises. La société, de plus en plus consciente des impacts environnementaux de la consommation, exige transparence, responsabilité et innovation.
- Sensibilité environnementale en hausse : les préoccupations climatiques et sanitaires façonnent les comportements et influencent la perception des marques. Une chaîne logistique perçue comme polluante peut nuire à l’image d’une entreprise.
- Consommateurs exigeants : la demande pour des livraisons rapides mais propres ne cesse de croître. Les utilisateurs attendent des solutions concrètes, comme des délais courts associés à un faible impact carbone.
- Adaptabilité obligatoire : pour rester performants et durables, les acteurs de la supply chain doivent refondre leurs modèles. Cela inclut l’investissement dans des flottes propres, la refonte des réseaux de distribution et l’optimisation numérique des flux.
La convergence des contraintes réglementaires, des disruptions logistiques et des exigences sociétales pousse ainsi les professionnels du secteur à réinventer en profondeur leurs pratiques. Ce changement n’est plus une option : il est devenu une nécessité pour concilier efficacité économique, cohérence écologique et acceptabilité sociale.
Quelles énergies pour alimenter la logistique de demain ?
Le moteur thermique sur la sellette
Longtemps dominant, le moteur thermique est désormais dans le viseur des autorités publiques et des citoyens. Face aux enjeux climatiques grandissants et aux directives européennes toujours plus strictes, les véhicules à combustibles fossiles connaissent une baisse progressive de légitimité.
Plusieurs métropoles imposent déjà des restrictions à la circulation des véhicules les plus polluants, une dynamique qui continue de s’intensifier. Cette réglementation pousse les transporteurs à réévaluer leur parc de véhicules, en particulier pour rester compétitifs tout en respectant les exigences environnementales croissantes.
Le gaz naturel comme énergie de transition
Encore souvent perçu comme une étape intermédiaire, le gaz naturel (notamment le GNV et son équivalent renouvelable, le BioGNV) représente une solution compatible avec une transition énergétique progressive. Il offre en effet une réduction significative des particules fines et des oxydes d’azote, tout en étant disponible grâce à un réseau de stations qui continue de se densifier en Europe.
Le BioGNV, issu de la méthanisation des déchets organiques, se distingue par son potentiel à réduire les émissions de CO₂ de manière drastique lorsqu’il est produit localement selon des procédés durables. Il permet également de diversifier les modes d’approvisionnement énergétique dans les zones rurales ou éloignées.
L’électrique, une solution à déployer à grande échelle
L’électromobilité a rapidement gagné du terrain, surtout dans les villes, où la livraison du dernier kilomètre devient un enjeu central. Grâce à une meilleure acceptabilité sociale et un soutien institutionnel certes variable mais réel, les utilitaires et poids lourds légers électriques séduisent un nombre croissant d’acteurs logistiques.
Cependant, des défis persistent. L’autonomie limitée des véhicules, les coûts d’acquisition encore élevés et le manque d’infrastructures de recharge freinent une adoption massive. Une accélération de la mise en réseau des points de charge, couplée à des aides économiques incitatives, est indispensable pour espérer une généralisation.
Hydrogène : promesse d’un futur zéro émission ?
Parmi les innovations les plus attendues, l’hydrogène apparaît comme un levier particulièrement stratégique pour décarboner le transport logistique lourd. Ce vecteur énergétique a pour avantage de ne générer aucune émission lors de son utilisation, tout en offrant des temps de recharge réduits et une autonomie nettement supérieure à l’électrique dans certains cas d’usage.
Mais plusieurs freins doivent encore être levés : la production d’hydrogène reste en majorité issue de sources non-renouvelables, les coûts sont élevés, et les stations de distribution demeurent rares.
Dans cette optique, des solutions comme le ferroutage : une alternative durable pour réduire les émissions logistiques offrent un complément structurant permettant de limiter la dépendance au routier et de préparer le terrain aux modes de transport réellement neutres en carbone.
Optimiser la chaîne logistique pour réduire son empreinte
Moderniser les pratiques et les infrastructures
Face à l’urgence climatique, les entreprises logistiques n’ont d’autre choix que de revoir en profondeur leurs méthodes de travail. Optimiser les flux ne suffit plus : il faut désormais intégrer des critères de durabilité dès la conception des circuits logistiques.
Les outils numériques, notamment les logiciels de gestion du transport (TMS) et les systèmes d’analyse prédictive, permettent de cartographier les flux, prédire les pics d’activité et rationaliser les trajets. Résultat : une moindre consommation de carburant, une baisse des coûts et une réduction directe de l’empreinte carbone.
Par ailleurs, les infrastructures elles-mêmes sont repensées. Les entrepôts adoptent une conception écoresponsable, avec des matériaux durables et une consommation énergétique optimisée. À l’échelle des transports, on assiste à une généralisation de la mutualisation — plusieurs entreprises partageant la même flotte dans une logique collaborative — et une massification des flux, notamment ferroviaires, afin de maximiser le remplissage et limiter les trajets à vide.
Prioriser l’écoconception logistique
L’écoconception, bien connue dans l’industrie, s’invite désormais dans la logistique. Cela signifie appliquer des principes environnementaux à chaque étape : préparation des commandes, emballage, stockage, transport et livraison.
Désormais, choisir un mode de transport ne se fait plus uniquement en fonction du délai ou du coût, mais aussi de son impact carbone. Le calcul de l’empreinte environnementale devient un indicateur clé. Les entreprises investissent dans des systèmes de gestion permettant d’intégrer ces données, et mettent en place des indicateurs de performance environnementale (KPI) pour évaluer leur progression sur le long terme.
Le recours à des véhicules décarbonés, à des matériaux de calage recyclés ou à des circuits courts entre centres de distribution et lieux de consommation sont autant d’exemples d’une approche logistique réellement écoresponsable.
Des acteurs mobilisés pour accélérer la transition
La dynamique de transformation logistique repose sur un écosystème d’acteurs variés qui coopèrent et partagent leurs expertises. Des industriels comme PepsiCo investissent massivement dans des chaînes logistiques durables, tandis que les transporteurs adaptent leurs flottes aux exigences climatiques et réglementaires.
Des organismes spécialisés, tels que l’AFGNV pour le gaz naturel ou l’AFHYPAC pour l’hydrogène, travaillent à rendre viables les carburants alternatifs. Leur mission : structurer les filières, garantir la sécurité d’approvisionnement et certifier les bonnes pratiques environnementales.
Certains outils d’évaluation environnementale, comme TK’BLUE, jouent également un rôle clé en proposant une notation indépendante de la performance carbone des chaînes logistiques. Cela facilite le choix des partenaires et permet une meilleure lisibilité pour les entreprises engagées dans la transition.
À l’échelle opérationnelle, les innovations technologiques ont aussi un rôle crucial. C’est le cas des ergosquelettes pour améliorer la productivité logistique durablement, déjà testés dans de nombreux entrepôts : ils améliorent les conditions de travail tout en réduisant la pénibilité, accroissant ainsi l’efficacité globale du système logistique.
Former pour transformer
La réussite de cette transition passe impérativement par la montée en compétences des professionnels de la logistique. Dirigeants, responsables d’exploitation, opérateurs de terrain : tous doivent être sensibilisés aux enjeux environnementaux et formés aux nouvelles pratiques.
Les dispositifs de formation se multiplient, à travers des webinaires, des parcours certifiants ou des ateliers fonctionnant sur des cas concrets. Ces formats permettent aux professionnels d’acquérir une vision systémique de la chaîne logistique, mais aussi de maîtriser les outils utiles à une logistique plus verte.
Former aujourd’hui, c’est garantir que chaque maillon de la chaîne contribue, demain, à un futur logistique plus sobre et plus résilient.
La transition vers une logistique durable est en marche, portée par une convergence d’enjeux environnementaux, sociétaux et économiques. Elle impose une transformation profonde des modes de transport, des infrastructures et des pratiques opérationnelles. Du recours aux énergies alternatives à l’optimisation numérique des flux, en passant par la formation des acteurs et l’écoconception, chaque levier compte pour bâtir une chaîne logistique résiliente et responsable. Plus qu’une contrainte, cette évolution représente une réelle opportunité d’innovation et de différenciation pour les entreprises. C’est collectivement, à travers coopération et engagement, que le secteur pourra répondre aux défis d’un avenir logistique plus durable.